La conduite sous l’influence de l’alcool est réprimée pénalement, en raison des risques accrus d’accident qu’elle entraîne.
Le dispositif légal en matière de répression de l’alcoolémie au volant s’est étoffé au fur et à mesure de l’évolution des techniques, à différents niveaux :
- La détection et l’analyse de la consommation,
- Les mesures probatoires en cours de procédure et après jugement,
- Les mesures de sûreté imposées après une ou plusieurs condamnations pour conduite avec alcool.
Le niveau des sanctions (retrait de permis, amende, éthylotest, examens médicaux, psychologiques, …) a également évolué dans le temps (vers une plus grande sévérité), en fonction de la volonté des gouvernements successifs de sanctionner plus lourdement, avec pour objectif, une réduction des infractions et des risques de récidives.
Au travers de cet article, nous ferons la distinction entre l’imprégnation alcoolique, et l’ivresse, et ferons le point sur les sanctions et mesures applicables en cas d’infraction.
Les éléments techniques : test d’haleine, analyse d’haleine, prise de sang, taux dans l’haleine, taux dans le sang, correction technique
Lors d’un contrôle d’alcoolémie, les policiers réalisent en général (mais sans obligation) un test d’haleine, qui permet d’orienter la suite de la procédure.
L’appareil indique :
- « S » : safe – pas de consommation excessive
- « A » : alarme – consommation probablement excessive, légèrement au-dessus de la limite
- « P » : positif – consommation excessive
Un résultat A ou P n’est pas suffisant pour démontrer légalement l’infraction, et il sera procédé à une analyse d’haleine et/ou une analyse sanguine.
Lors de l’analyse d’haleine, l’appareil donne un résultat de concentration d’alcool dans l’air alvéolaire expiré (AAE), exprimé en milligrammes d’alcool par litre (mg/LAAE).
Le coefficient de conversion entre l’alcool dans l’air et dans le sang est de 2.3.
EXEMPLE
Vous soufflez et l’analyse donne un taux de 0.52 mg/LAAE ; cela équivaut à une concentration de 1.196 gr/L de sang
0.52 mg/L d’air x 2.3 = 1.196 gr/L de sang
En cas de prise de sang (problème de souffle, erreur de l’appareil, refus de souffler, demande du conducteur, …) le résultat est exprimé en grammes d’alcool par litre de sang (gr/L).
Le laboratoire désigné par le Parquet, en plus de donner la concentration alcoolique dans le sang, procède à une correction technique liée au délai entre le contrôle de police ou l’accident et la prise de sang, qui est habituellement de 0.15 grammes d’alcool dans le sang, par heure de correction.
EXEMPLE
Le contrôle débute à 20 heures, mais la prise de sang n’est réalisée qu’à 22h00.
L’expert, en plus de la quantité d’alcool analysée dans le sang prélevé, majorera le taux de
0.30 gr/L de sang.
Et si je ne veux pas ? Le refus de souffler ou de subir une prise de sang – une infraction en tant que tel
Il arrive qu’une personne contrôlée refuse de souffler ou de subir une prise de sang ; si l’on peut comprendre qu’il s’agisse d’une liberté individuelle, le législateur a cependant considéré ces refus comme des infractions, qui sont punissables de manière autonome.
Plus précisément, ce refus peut être sanctionné d’une amende entre 1.600€ et 16.000€ (à multiplier par 8 !), et d’une déchéance du droit de conduire de 8 jours à 5 ans ; le juge peut également, dans ce cas, vous imposer le placement d’un éthylotest …
En outre, vous pouvez, malgré ce refus, être condamné pour d’ivresse ou imprégnation alcoolique (ces infractions pouvant être démontrées par toute voie de droit) … Vous n’avez donc pas grand-chose à gagner …
Imprégnation alcoolique et/ou ivresse : deux notions distinctes mais liées
L’imprégnation alcoolique
L’imprégnation alcoolique est réprimée sur la base objective du taux d’alcool dans le sang, ou dans l’haleine.
Plus précisément, la consommation d’alcool au volant est réprimée à partir d’un taux de 0.22 mg/L d’air – 0.5 gr/L de sang (« petite alcoolémie ») ; vous risquez alors :
- Une amende entre 200 et 4.000€, et
- Une déchéance du droit de conduire de 8 jours à 5 ans.
Toutefois, sur base de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, le Parquet est obligé de vous proposer une transaction financière si vous êtes coupable, pour la première fois, de cette infraction, et pour autant qu’il n’y ait aucune infraction connexe (défaut de permis, accident, …).
A partir de 0.35 mg/L d’air – 0.8 gr/L de sang (« grande alcoolémie »), les sanctions sont plus importantes :
- Une amende entre 1.600€ et 16.000€, et
- Une déchéance du droit de conduire de 8 jours à 5 ans.
L’ivresse
L’ivresse est par contre une notion subjective, qui résulte de critères également subjectifs, appréciés différemment par les policiers, et les magistrats. L’ivresse n’est pas, en tant que telle, définie par les textes légaux ; cependant la jurisprudence la définit généralement comme « la perte du contrôle permanent de ses actes » résultant de la consommation d’alcool.
Les critères « concrets » examinés par les policiers sont généralement les suivants (mais les formulaires utilisés par les policiers varient d’une zone de police à l’autre …) :
- La marche est-elle assurée ? le conducteur a-t-il besoin d’être soutenu ? Titube-t-il ?
- Comment s’exprime le prévenu ? Il bredouille, bégaye, mâche ses mots ?
- A-t-il la bouche pâteuse ? Son haleine sent-elle l’alcool ?
- Le conducteur a-t-il vomi ? Ses vêtements sont-ils désordonnés ?
- Le conducteur est-il cohérent ? Est-il correctement orienté dans le temps et dans l’espace ?
En fonction de la gravité des « signes d’ivresse », le Tribunal décidera si l’ivresse est judiciairement établie.
Le Tribunal tiendra également compte des autres éléments pouvant influencer le comportement du conducteur :
- Le choc de l’accident au niveau émotionnel et/ou médical (une commotion peut entraîner des troubles de l’orientation ou de la marche …)
- La fatigue du conducteur (un conducteur aura naturellement une apparence plus assoupie à 4 heures du matin…)
- Les traitements médicaux habituels du conducteur,
- La situation habituelle du conducteur (certaines personnes bredouillent ou bégayent naturellement, sans que l’alcool n’en soit l’origine …).
La prévention d’ivresse peut être également retenue en cas d’« état analogue » résultant de l’emploi de drogues et/ou médicaments, de sorte qu’en cas d’utilisation ou abus de médicaments, ou usage de cannabis ou autres drogues, la condamnation pourra également intervenir.
Les sanctions
Les sanctions générales
Suite à une condamnation, le Tribunal de Police est amené à prononcer différentes peines et mesures (amende, déchéance du droit de conduire, passage d’examens). Je vous propose de consulter mon article dédié aux peines et mesures applicables devant le Tribunal de Police.
Je préciserai cependant, dans le cas spécifique d’une condamnation pour alcool, que l’amende et le retrait sont systématiques (sauf éventuelle suspension du prononcé), même si certaines modalités peuvent être obtenues.
La sanction spécifique de l’alcoolock
En cas de condamnation pour alcool, l’alcoolock (dispositif anti-démarrage) est de plus en plus imposée …
Techniquement, l’alcoolock empêche votre moteur de démarrer sans souffler au préalable dans le dispositif. En plus, les données recueillies sont enregistrées, et doivent être transmises régulièrement à l’organisme qui suit votre dossier …
L’installation coûte entre 3.750€ et 7.700€ (en fonction de la durée (entre 1 et 3 ans) et des modalités d’achat ou de location de l’appareil) …
Il vous est évidemment interdit de circuler avec un véhicule non équipé, sauf si le Juge accepte de limiter la mesure à certaines catégories de véhicules (par exemple juste sur les véhicules avec permis B, mais pas pour les camions).
Le taux d’alcoolémie et les éventuels antécédents judiciaires détermineront si le juge vous imposera ce dispositif ; dans les grandes lignes, et sous réserve de précisions :
- La mesure est facultative en cas de taux faible et en l’absence de récidive dans les 3 ans,
- La mesure est obligatoire mais dispensable avec une motivation spéciale du Magistrat si le taux est plus important, pour autant qu’il n’y ait pas de récidive dans les 3 ans,
- La mesure est obligatoire de manière absolue en cas de récidive dans les 3 ans.
Des prises de sang pour le Tribunal – pour quoi faire ?
Dans le courant de la procédure judiciaire, certains cas sont plus interpellants que d’autres, et le Tribunal peut s’interroger sur les habitudes de consommation d’un prévenu.
Une consommation de plus de 10 doses standard d’alcool par semaine est généralement considérée comme problématique au sens médical du terme.
A NOTER
Une dose standard d’alcool équivaut à 10 grammes d’alcool pur.
Cela équivaut à une bière de 25 cl à 6°, un verre de vin de 12,5 cl à 11°, …
Mais une bière forte à 9°, de 33 cl équivaut à 2 doses standard …
En conclusion, il « suffit » de boire 5 bières spéciales par semaine pour être à la limite d’une consommation problématique … idem pour quelqu’un qui boit « juste » un ou deux verres de vin chaque jour …
Le Tribunal demandera dès lors, selon les dossiers, une ou des prise(s) de sang ; votre avocat anticipera normalement cette demande et vous demandera d’initiative de réaliser une prise de sang.
Les marqueurs présents dans le sang, qui indiquent la quantité d’alcool consommée par une personne sont les suivants :
Alcool éthylique
Il s’agit de l’alcool « immédiat », qui reflète votre consommation des dernières heures.
Gamma GT (Gamma Glutamyl Transferase)
Ce marqueur est produit par le foie en fonction de la consommation régulière d’alcool dans les derniers jours/dernières semaines ; il varie selon les personnes, mais peut être fortement influencé par des maladies du foie qui ne sont pas liées à la consommation d’alcool, ou par la prise de médicaments.
CDT (Transferrine Déficiente en Carbohydrate)
L’alcool influence la structure des molécules de transferrine ; le taux de CDT reflète la consommation régulière d’alcool durant les 2 à 4 semaines qui précèdent la prise de sang ; ce taux peut être influencé par quelques pathologies, toutefois relativement rares.
PETH (PhosphatidylETHanol)
Ce marqueur est très spécifique à la consommation d’alcool et est de plus en plus demandé par les Tribunaux ; il relate la consommation d’alcool dans les 4 à 6 semaines précédant la prise de sang, et le taux permet de « calibrer » la consommation (abstinence totale ou quasi-totale, consommation modérée, consommation sociale, consommation problématique, …) ; chaque verre d’alcool est détectable durant 2 à 3 semaines …
Une prise de sang complète, pour laquelle les marqueurs sont bons, aura tendance à rassurer le Tribunal, et accréditera le caractère ponctuel de la consommation excessive qui a été relevée par les policiers lors du contrôle routier et/ou suite à l’accident …
Les mesures probatoires pour réduire les peines : formation VIAS, prises de sang, suivi médical
Dans son Jugement, le Tribunal peut vous imposer (uniquement si vous êtes d’accord avec ces mesures) différentes modalités, appelées « conditions probatoires ».
Il s’agit de conditions à la suspension du prononcé, ou au sursis total ou partiel que vous avez obtenu ; si vous ne respectez pas ces conditions, le Tribunal peut révoquer le sursis ou la probation, et prononcer des sanctions complémentaires.
L’objectif de ces conditions est de « maintenir la pression » pour renforcer l’effet dissuasif des sanctions, et réduire les risques de récidive.
Le Tribunal peut ainsi vous imposer :
- une formation VIAS (module spécifique « conduite sous influence »),
- des prises de sang régulières,
- un suivi médical relatif à votre dépression,
- un suivi psychologique ou psychiatrique,
- …
Le suivi du respect de ces conditions sera assuré par un assistant de justice, et en cas de problème, par la Commission de probation.
Les modalités des conditions (fréquence des prises de sang, contenu, …) sont fixées par le jugement de manière plus ou moins précise, et sont aménagées ou adaptées par l’assistant de justice.
EXEMPLE CONCRET
Le Tribunal de Police d’Arlon vous condamne à une peine d’amende de 1.600€, et un retrait de permis de 3 mois.
Il assortit cependant ces peines d’un sursis probatoire partiel (1.200€ sur l’amende et 2 mois et demi sur le retrait), aux conditions suivantes :
- Ne pas commettre de nouvelles infractions, avoir une adresse, et se présenter à toute convocation,
- Poursuivre le suivi psychologique déjà entamé,
- Produire le résultat de prises de sang tous les 3 mois (avec notamment le marqueur PETH).
Au départ, l’agent de probation demandera effectivement des attestations régulières pour le suivi psychologique, et des prises de sang tous les 3 mois ; s’il constate que vous respectez les conditions, et que les prises de sang sont bonnes, il peut « alléger » les conditions, en allongeant le délai entre les prises de sang (1 prise de sang tous les 4 ou 6 mois par exemple) ; si au contraire la situation se dégrade, il peut vous « rappeler à l’ordre », et/ou envoyer votre dossier à la Commission de Probation, qui peut, en cas de réel manquement, proposer au Parquet de vous citer en révocation du sursis ou de la suspension …
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Dans tous les cas, il est utile de se faire conseiller par un professionnel, dès la survenance du contrôle d’alcoolémie positif, ou en tout cas lorsque vous recevez la citation à comparaître devant le Tribunal de Police.
L’analyse du dossier par un avocat sera nécessaire, pour vérifier la régularité de la procédure, mettre en avant les circonstances atténuantes, votre situation particulière, et pour établir un dossier de pièces de nature à rassurer le Tribunal, et le convaincre de vous faire confiance en vous octroyant des peines raisonnables !
Chaque dossier mérite une analyse spécifique et nous sommes présents à vos côtés pour défendre au mieux vos intérêts et vous conseiller efficacement.