La conciliation recoupe plusieurs notions qui présentent des points communs et des nuances.
Dans le sens commun, la conciliation est un processus au terme duquel des parties en litige trouvent un accord, chaque partie faisant des concessions plus ou moins importantes.
En réalité, une conciliation peut intervenir en direct entre les parties, en présence d’un ou plusieurs avocats ou devant le Tribunal.
Un accord entre parties
Les parties en litige peuvent trouver un accord et le respecter.
En théorie, aucun formalisme n’existe pour qu’un accord soit valable et un écrit n’est même pas obligatoire ; si chaque partie respecte cet accord, tout se passe bien …
En revanche, si l’une des parties change d’avis, si un élément imprévu survient, ou si l’accord prête à interprétation, le litige redémarre, et il est alors assez compliqué de démontrer le contenu de l’accord, l’intention des parties, …
EXEMPLE – Achat d’un véhicule
Dans le cadre d’un contrat de vente d’un véhicule, la couleur commandée n’est pas celle du véhicule livré au mois de mai …
Pour compenser cette erreur, le concessionnaire vous propose de vous offrir le premier entretien, ainsi qu’un jeu de pneus hiver.
En novembre, vous déposez le véhicule au garage pour le premier entretien et la pose des pneus hiver.
En allant chercher le véhicule, le garagiste vous présente :
- Une facture pour les fournitures de l’entretien ; selon lui, seule la main d’œuvre était offerte,
- Une facture pour les jantes qui vont avec les pneus hiver, et la pose des pneus ; selon lui, seuls les pneus en tant que tel étaient offerts.
Ainsi, croyant résoudre rapidement un souci à la livraison, les parties ont trouvé un accord sans en définir les termes exacts ; à défaut de précision, les souvenirs émoussés (et un peu de mauvaise foi du garagiste) ont faire ressurgir un litige que les parties avaient cru pouvoir clôturer.
Il en aurait été autrement si un accord écrit avait été établi (sur papier ou par mail), reprenant les termes précis de l’accord.
Pour être exécuté « de force » contre l’une des parties, l’accord intervenu devra également faire l’objet d’une procédure, lors duquel la partie « récalcitrante » pourra faire valoir ses arguments.
EXEMPLE – Un arriéré locatif
Dans le cadre d’un contrat de bail, les locataires éprouvent des difficultés financières, et accusent un arriéré de loyer de 5 x 500€ soit 2.500€ au moment de quitter le logement.
Ils promettent de verser 250€ par mois dans un mail.
Croyant en leur bonne foi et en leur engagement, vous libérez, malgré tout, la garantie locative en leur faveur, pour leur permettre de déménager.
Après 2 paiements, ils ne donnent plus de signe de vie.
Vous devez alors entamer les démarches suivantes :
- Lancer la procédure contentieuse devant le Juge de Paix,
- Obtenir une audience, puis un jugement (dont les locataires peuvent faire appel ou opposition),
- Demander à l’huissier de procéder à signification avec commandement de payer,
- Le charger de procéder à une saisie sur salaire, sur véhicule, ou sur compte bancaire.
Les démarches judiciaires durent au minimum 2 mois … et il faut compter encore plusieurs semaines avant que les saisies ne donnent un résultat concret …
Si l’accord avait été directement entériné par le Tribunal, plusieurs semaines auraient été gagnées, puisque la procédure est gratuite, et le jugement entérinant l’accord n’est susceptible ni d’un appel ni d’une opposition.
Il est donc préférable, lorsqu’un accord intervient, de :
- Le mettre par écrit en veillant à être complet et précis, en utilisant des termes clairs et sans laisser d’ambigüité,
- Le cas échéant, le faire entériner par le tribunal compétent, pour lui donner une date certaine, et force obligatoire.
Un accord en présence d’un ou plusieurs avocats
Des négociations amiables peuvent intervenir à tous les stades : avant toute procédure judiciaire, pendant la procédure, et même après jugement …
Dégager un accord permet de fixer les droits et obligations des parties, et sortir d’un litige dont la fin est parfois très aléatoire, et éloignée dans le temps.
Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille accepter un accord à tout prix.
Lorsqu’un seul avocat intervient, il faut qu’il soit clair sur son mandat :
- Intervient-il pour une partie (en tant que conseil de cette partie) ou
- Intervient-il pour toutes les parties (en tant que conciliateur) ?
Une fois cet élément important précisé, un accord peut intervenir et l’avocat, même s’il n’intervient que pour une seule partie, à l’obligation d’être clair au niveau des engagements des parties, des suites de l’accord, …
Si chaque partie a un avocat, la situation sera plus claire pour tout le monde …
L’accord sera rédigé de la manière la plus compréhensible possible, en ayant en tête tout ce qui pourrait poser problème à court, moyen ou long terme.
Si nécessaire, il sera entériné devant le tribunal qui est déjà saisi, ou qui peut être saisi par simple requête.
La conciliation devant le Tribunal
La conciliation devant le Tribunal peut être organisée dans le cadre d’une procédure spécifique de conciliation, ou en tant que procédure parallèle à la procédure contentieuse.
La procédure de conciliation peut même être ordonnée d’office par le Tribunal, s’il estime qu’une conciliation pourrait intervenir. Mais le Juge ne peut pas obliger les parties à accepter les termes d’une conciliation !
La conciliation est bien connue devant le Juge de Paix et le Tribunal de la Famille, mais elle est également possible devant toutes les juridictions : Tribunal de l’Entreprise, Tribunal du Travail, Tribunal de Police, Tribunal de Première Instance …
Certaines juridictions disposent même d’une Chambre spécifique à la conciliation (Chambre de Règlement Amiable).
A noter qu’un accord de conciliation qui intervient devant le Tribunal a valeur de jugement, et pourra donc être exécuté par voie d’huissier, sans nouvelle intervention du Tribunal.
EXEMPLE – Une facture impayée
Lors d’une conciliation pour une facture impayée, le Juge de Paix acte l’accord des parties :
- La facture impayée de 1.500€ sera payée en 12 mensualités de 125€, pour le 12 de chaque mois,
- En cas de non-paiement, le débiteur est déchu des termes et délais obtenus (clause de déchéance).
Après 3 paiements, le client ne paie plus rien, malgré des rappels par mail.
Le commerçant peut envoyer le dossier directement chez l’huissier en vue du recouvrement de l’entièreté du solde dû.
La procédure de conciliation est totalement gratuite pour toutes les parties, contrairement à la procédure contentieuse, qui entraîne des frais d’huissier, de mise au rôle, d’enregistrement, … qui représentent quelques centaines, à plusieurs milliers d’euros dans les dossiers d’ampleur financière importante.
Le demandeur évite ainsi de devoir avancer des frais qu’il ne pourra peut-être pas récupérer ; le défendeur évite également l’accroissement de sa dette par l’ajout des frais de justice !
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Dans tous les cas, il est utile de se faire conseiller par un professionnel, dès la survenance du litige, pour savoir à quoi s’attendre en termes de procédure, et être armé pour tenter utilement la conciliation.
L’analyse du dossier par un avocat sera nécessaire, pour mettre en avant les éléments en votre faveur dans la négociation !
L’intervention brève d’un avocat, pour tenir les négociations, et finaliser un accord en bonne et due forme, permet souvent de gagner du temps par la suite (en cas de nécessité de recouvrement par huissier), et de faire des économies (en frais de procédure et d’avocat).
Par ailleurs, même si la procédure contentieuse est en cours, votre avocat restera ouvert à la discussion, et vous conseillera quant aux propositions amiables qui pourraient être faites (par vous ou par la partie adverse) ; les propositions formulées entre avocats sont en principe confidentielles !
Chaque dossier mérite une analyse spécifique et nous sommes présents à vos côtés pour défendre au mieux vos intérêts et vous conseiller efficacement.
Ronan VILAINE
Avocat au Barreau du Luxembourg